Votre question concerne cette vidéo, publiée le 30 mars sur Facebook par la page Anonymous France et partagée près de 10 000 fois depuis. On y voit une personne injecter un liquide dans des poulets avant de les placer dans des barquettes.
La vidéo sur laquelle vous vous interrogez est particulièrement virale en France ces dernières semaines. Elle a, par exemple, été publiée par une page sur le «sport et l’alimentation» il y a un mois sur Facebook, et vue pas moins de 20 millions de fois depuis.
La vidéo n’est pourtant pas récente. 20 Minutes retrouvait sa trace dès 2015. Elle avait alors été publiée par la chaîne azerbaïdjanaise Inter AZ. Elle a ensuite fait le tour du monde avec des versions publiées par des pages Facebook ou des comptes YouTube dans différentes langues.
D’après le site du journal britannique Mirror, la vidéo aurait été tournée en Azerbaïdjan mais on ne dispose d’aucune autre information sur les circonstances de la scène ou sur le produit injecté. Certaines légendes de vidéos prétendent qu’il s’agirait de «stéroïdes», ce qui semble absurde puisqu’il n’y aurait aucun intérêt à injecter des hormones dans des animaux déjà morts.
On la retrouve dans une compilation avec d’autres scènes où l’on voit des pièces de viande dans lesquelles des liquides sont injectés. Il n’y a aucune indication sur la provenance de ces images (qui semblent à première vue venir d’endroits et de contextes différents), si ce n’est un texte qui défile en chinois (et qui ne fait que décrire les scènes que l’on voit).
Une autre vidéo concerne de la viande de volaille et remonte au moins à 2014. Difficile dans ce cas-là de savoir précisément où et quand la vidéo a été tournée. Tout juste sait-on que la filière avicole espagnole s’en était émue, estimant qu’elle jetait la suspicion sur les éleveurs de volailles locaux alors que la vidéo était probablement «tournée en Chine».
Sur d’autres vidéos de la même compilation, ce sont des poissons qui sont piqués avec des seringues. On trouve, par exemple, la trace d’une de ces vidéos sur des pages Facebook thaïlandaises, depuis au moins trois ans. La légende de l’une d’elles prétend que le liquide injecté est un produit d’embaumement toxique. Mais dans les commentaires, plusieurs internautes indiquent qu’il s’agit plus vraisemblablement d’une injection d’eau salée pour mieux conserver le poisson ou pour augmenter artificiellement son poids avant la vente.
Cette compilation de vidéo, diffusée sur le réseau social chinois WeChat, a tellement circulé en Thaïlande que les autorités du pays ont dû répondre aux inquiétudes de la population. Celles-ci ont expliqué dans plusieurs médias locauxque les vidéos ne provenaient pas de Thaïlande mais vraisemblablement de Chine.
La pratique est strictement encadrée en France. Contactée par CheckNews, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes indique que «l’ajout d’eau dans les denrées alimentaires fait l’objet de contrôles de la DGCCRF, notamment dans le secteur des volailles et des produits de la mer».
En effet, le site de la DGCCRF explique que «l’ajout d’eau […] conduit à augmenter artificiellement leur masse alors que la quantité de viande reste fixe», ce qui constitue «une tromperie pour le consommateur». Encadrée par un règlement européen, seule la présence d’un petit pourcentage d’eau ajoutée est tolérée dans les volailles congelées, puisqu’il est «techniquement inévitable» que la viande absorbe de l’eau dans certains procédés de congélation. Mais si la volaille est contrôlée avec un taux supérieur à celui toléré, son emballage devra porter en lettres capitales rouges la mention «Teneur en eau supérieure à la limite CE».
Lors de ses deux dernières enquêtes sur le sujet, la répression des fraudes a relevé plusieurs «anomalies» pouvant indiquer un ajout d’eau dans de la volaille commercialisée en France. Et elles étaient loin d’être isolées : presque un quart des pièces de volaille analysées dans une quarantaine d’établissements étaient jugées «non conformes» lors d’une enquête de 2016, avec par exemple des produits en provenance de Roumanie dont la teneur en eau était trop importante. Plutôt que de faire figurer la mention en lettres rouges, le groupe concerné «a préféré s’orienter vers une destruction du lot».
La pratique est en revanche courante aux Etats-Unis, où «les producteurs injectent le poulet (et d’autres viandes) avec une solution saline depuis les années 70», d’après une enquête du LA Times. «Le procédé permet de rendre la viande plus savoureuse», selon un expert cité par le journal. La pratique semble même répandue parmi les particuliers, qui utilisent des seringues vendues dans le commerce pour «améliorer» leur viande à barbecue en y injectant du sel et des épices par exemple, plutôt qu’en la frottant simplement avec.
Outre les seringues manuelles, l’industrie de la viande américaine a surtout recours à des machines qui injectent les morceaux à la chaîne, comme on peut le voir dans certaines vidéos du montage.
La pratique a parfois été dénoncée aux Etats-Unis, pour des questions de pratiques commerciales douteuses (l’eau permettant de gonfler le prix de vente) ou d’information nutritive (le consommateur peut ne pas avoir conscience de la présence d’une quantité de sel importante dans sa volaille crue).
Des scandales sanitaires plus graves sont par ailleurs déjà survenus en Chine, où une enquête avait montré que la majorité de la viande de porc et la quasi-totalité de la viande de bœuf étaient concernées par de l’injection d’eau. Le journalSouthern Weekend notait que la mauvaise qualité de l’eau ou des additifs conduisaient parfois à une contamination de la viande. Exemple ? En 2014, le Monde se faisait l’écho d’une affaire survenue dans la province de Guangdong, où des éleveurs injectaient de l’eau d’une mare insalubre dans des carcasses de mouton (jusqu’à 6 litres d’eau par animal), qu’ils revendaient ensuite à des restaurants.
Une pratique à ne pas confondre avec l’injection d’air. D’autres vidéos virales ont pu laisser croire que des producteurs chinois peu scrupuleux «gonflaient» leur volaille avec de l’air pour les rendre plus présentables. Comme les Observateurs de France 24 ont pu le confirmer, ces vidéos correspondent en fait à une pratique courante de préparation du canard laqué (le gonflage permettrait de rendre la peau plus croquante à la cuisson).
Une dernière vidéo de la compilation sort du lot, puisque c’est la seule qui concerne un animal toujours vivant : on y voit un chien être forcé d’avaler de l’eau. Elle a été tournée le 9 juin 2017 dans la province chinoise du Henan, d’après un site de presse local.
Celui-ci fournit de nombreuses photos ainsi qu’un déroulé précis de la scène, où un homme a forcé un chien à boire près de 2 litres d’eau. L’homme est suspecté d’utiliser cette technique pour augmenter son poids et donc le prix de revente de l’animal, vendu pour sa viande.
Nous n’avons en revanche pas été en mesure d’identifier ni la nature de l’insecte (ou du fruit de mer) visible à la 20e seconde de la vidéo ni les circonstances ou l’origine de la scène.
CordialementVincent Coquaz
Source: www.liberation.fr